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L’évaluation des risques associés à l’utilisation des pesticides doit être basée sur les données scientifiques ou techniques disponibles les plus fiables au moment de la délivrance de l’AMM

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu ce 25 avril 2024 deux arrêts importants en matière de droit de l’environnement (C‑308/22 CURIA – Documents (europa.eu) et C‑309/22 et C‑310/22 CURIA – Documents (europa.eu)).

Ces décisions constituent une confirmation de la jurisprudence Blaise (arrêt C 616/17 obtenu en 2019 par le cabinet) et de la position que nous défendons pour le compte de multiples organisations agricoles et de protection de l’environnement devant le Conseil d’Etat et dans le cadre de plaintes visant à obtenir une évaluation des risques des pesticides avant mise sur le marché conforme à la réglementation européenne.

Les données scientifiques ou techniques disponibles les plus fiables peuvent être utilisées pour contester une autorisation de mise sur le marché d’un pesticide devant les juridictions de l’Etat Membre ayant accordé une AMM à la faveur d’une évaluation des risques insuffisamment motivée par l’Etat Membre rapporteur.

L’apport majeur de l’arrêt C-308/22 est de préciser que les données disponibles ne se limitent pas aux documents d’orientation de l’EFSA adoptés par la Commission européenne et les Etats membres au moment de l’introduction de la demande d’AMM mais bien aux « données scientifiques ou techniques les plus fiables… sans égard à leur source ou au moment auquel elles sont devenues accessibles » (cf. point 92 de l’arrêt).

Cette clarification sur le sens à donner aux termes du règlement est d’importance car elle conditionne l’approche et le travail des agences sanitaires nationales.

Les point 93 et 94 de l’arrêt sont limpides sur ce point :

« La référence faite, à l’article 36, paragraphe 1, de ce règlement, à l’utilisation des documents d’orientation disponibles au moment de la demande ne remet pas en cause cette interprétation. En effet, il ne saurait être déduit de cette disposition que l’État membre examinant cette demande doive se limiter à fonder son évaluation des risques sur les seuls documents d’orientation disponibles, lorsqu’il estime que ces documents ne reflètent pas suffisamment l’état actuel de ces connaissances scientifiques et techniques à la lumière desquelles il doit effectuer son évaluation.

94      Outre le fait que cette interprétation serait contraire à la jurisprudence citée au point 90 du présent arrêt [arrêt BLAISE], il y a lieu, également, de tenir compte de la nature non contraignante de ces documents. Ainsi que Mme l’avocate générale l’a relevé, en substance, au point 74 de ses conclusions, l’article 77 du règlement no 1107/2009 ne prévoyant que la possibilité de leur adoption par la Commission, l’État membre qui examine la demande visée au point précédent du présent arrêt doit pouvoir lui aussi, en cas d’absence de tels documents, réaliser son évaluation des risques en se fondant sur les données scientifiques disponibles les plus fiables ainsi que sur les résultats les plus récents de la recherche internationale. »

Ainsi l’évaluation des risques effectuée par l’Etat membre avant délivrance d’AMM ne peut se limiter au suivi des documents d’orientation de l’EFSA lorsque ceux-ci sont devenus obsolètes vu l’évolution des connaissances scientifiques.

Par ailleurs, la CJUE précise que l’Etat membre qui doit se prononcer sur la délivrance d’une AMM « peut s’écarter de l’évaluation scientifique des risques concernant ce produit réalisée par l’État membre examinant la demande d’une telle autorisation, (…) notamment lorsqu’il dispose des données scientifiques ou techniques les plus fiables, dont ce dernier État membre n’a pas tenu compte lors de la préparation de son évaluation, qui identifient un risque inacceptable pour la santé humaine ou animale ou pour l’environnement. »

L’Etat qui doit se prononcer sur la délivrance d’une AMM pour un pesticide n’est donc pas tenu par l’évaluation initiale de l’Etat membre rapporteur.

L’arrêt présente également le cadre juridique applicable (règlement N°1107/2009) et il rappelle notamment les dispositions de l’article 29 du règlement qui prévoit que « En vertu de ces principes, l’interaction entre la substance active, les phytoprotecteurs, les synergistes et les coformulants doit être prise en compte lors de l’évaluation des produits phytopharmaceutiques. »

Aude DESAINT, Expert environnement pour le Cabinet TUMERELLE

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