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Autorisation de mise sur le marché des produits pesticides : les pouvoirs des agences nationales d’évaluation confirmés par la CJUE

La Cour de Justice de l’Union Européenne confirme la portée des évaluations à réaliser par les autorités des Etats Membres lors de l’examen des demandes d’autorisation de mise sur le marché de pesticides déposées par les fabricants. Elle rappelle l’objectif du règlement n°1107/2009 qui ambitionne d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement et qui prévoit que celui-ci devrait primer sur l’objectif d’amélioration de la protection végétale.

Comme indiqué précédemment[1], la Cour de justice de l’Union européenne a rendu ce 25 avril 2024 deux arrêts importants en matière de droit de l’environnement (C‑308/22 CURIA – Documents (europa.eu) et C‑309/22 et C‑310/22 CURIA – Documents (europa.eu)).

Ce second arrêt, dans les affaires jointes C‑309/22 et C‑310/22, apporte, grâce aux questions préjudicielles soumises à la CJUE, les précisions suivantes sur l’interprétation du règlement N°1107/2009.

  • L’autorisation d’un produit pesticide n’est pas automatique du simple fait de l’approbation des substances actives qui le compose (cf. point 82 de l’arrêt c-309/22 et c-310/22). Un Etat membre n’est pas tenu d’autoriser la mise en marché d’un produit phytopharmaceutique contenant des substance actives qui ont toutes été approuvées, s’il existe des connaissances scientifiques ou techniques qui identifient un risque inacceptable pour la santé humaine ou animale ou pour l’environnement lié à l’utilisation de ce produit (cf. point 83 de l’arrêt c-309/22 et c-310/22)
  • La CJUE ainsi que l’avocate générale confirment que le règlement n°1107/2009 fait obstacle à ce qu’un Etat membre accorde une AMM pour un produit pesticide contenant une substance active qui n’a pas été approuvée. (cf. point 83 de l’arrêt c-309/22 et c-310/22)
  • La décision d’autorisation de mise sur le marché d’un produit pesticide doit être prise en tenant compte de toutes les connaissances scientifiques ou techniques (cf. point 77 et 78 de l’arrêt)
  • Lors de l’examen d’une demande, les Etats membres doivent prendre en considération les autres éléments d’information d’ordre technique ou scientifique dont ils peuvent raisonnablement disposer et qui sont relatifs aux effets nuisibles potentiels du produit ou de ses composants. (cf. point 85) et notamment, pour l’évaluation des propriétés de perturbation endocrinienne (Cf. points 85à 87)

La Cour rappelle l’importance du principe de précaution pour assurer le niveau élevé de protection prévu par le règlement (Cf. points 92 et93).

Ces principes à prendre en compte dans l’évaluation des demandes ne sont pas remis en cause par l’exigence du respect du principe de sécurité juridique (Cf. point 94). Ce principe était avancé tant par les industriels que par certains Etats membres ou instances d’évaluation pour revendiquer un examen des dossiers selon un état des connaissances scientifiques « gelé » sur la base des seuls documents d’orientation adoptés précédemment au dépôt de la demande de mise sur le marché.

Une telle vision entraînerait immanquablement un retard d’actualisation et de prise compte des connaissances scientifiques et techniques les plus récentes qui vient déjà s’ajouter au temps nécessaire au développement de ces connaissances. Elle serait incompatible avec une gestion prudente du risque créé par ces produits. 

L’arrêt, en confirmant que les Etats Membres doivent se prononcer sur les demandes d’AMM en fonction de l’état des connaissances le plus récent au moment de la prise de décision et non pas au moment de l’introduction de la demande clarifie un point très important pour une bonne appréhension des risques par les agences sanitaires nationales. Il confirme leur liberté de travail et l’importance de leur mission.

Les agences sanitaires nationales peuvent donc s’appuyer sur cette interprétation du règlement de 2009 pour mener leur mission d’évaluation des produits pesticides sur tous les axes avant de se prononcer sur l’autorisation d’un produit.

Aude DESAINT, Expert environnement pour le Cabinet TUMERELLE

Avocats à Montélimar et à Saint-Raphaël


[1] https://www.avocats-tumerelle.fr/2024/06/04/levaluation-des-risques-associes-a-lutilisation-des-pesticides-doit-etre-basee-sur-les-donnees-scientifiques-ou-techniques-disponibles-les-plus-fiables-au-moment-de-la-delivrance-de/?fbclid=IwZXh0bgNhZW0CMTAAAR07YKGijRkgmNXl0brHiv98KdUAgAxeBY6NAzsmAoroLMUEumt1-w9PN0w_aem_AdOud_gSoONTm8AO3ME4Yogc_oKRy-WktUVFZJpxLISpvdw3ZDeQtRUViYYsJCkxZjMZliGqwqiLpgZvGegvZYUQ