Saisie en mars 2015 par le ministère de l’écologie sur le dossier des variétés rendues tolérantes aux herbicides (VrTH), l’Anses [1] est bien en peine d’informer Inf’OGM sur l’avancée de ses travaux. En effet, l’Anses nous affirme qu’il manque encore des précisions sur cette saisine, et qu’une fois ces précisions obtenues, il faudra encore se procurer les données qui permettront d’élaborer une réponse. Seule certitude donc : la nouvelle date butoir du 30 juin pour rendre ce rapport ne sera pas tenue, alors même que le Conseil d’État a prévu, le 9 juin, d’entendre les principaux résultats de ce rapport ! Explications.
C’est le 4 mars 2015 que Ségolène Royal a saisi l’Anses [2] sur les variétés rendues tolérantes aux herbicides. Le texte de la saisine rappelle l’objectif de l’introduction de ces variétés : permettre aux agriculteurs de désherber même après la levée de la culture, tout en simplifiant le travail. Mais, s’inquiète la lettre, une étude précédente conjointe Inra-CNRS [3] concluait notamment que « l’apparition d’adventices résistantes à une classe herbicides employée sur les VTH est favorisée par ce mode de culture ; [et que l’emploi de ces VTH conduisait] mécaniquement à des teneurs plus élevées de ces molécules dans les eaux et augmenta[it] le risque d’atteindre les taux limites réglementaires pour la potabilité ».
Rappelant que ces cultures (« notamment colza et tournesol ») ont été cultivées depuis quatre ans et qu’elles représentaient déjà 20% de la sole française de tournesol (120 000 ha), ce qui constitue « un objet d’analyse nouveau par rapport à ce qui a pu être pris en considération au moment de l’expertise Inra-CNRS », la lettre de la ministre « souhaite que l’Anses puisse éclairer le gouvernement sur les risques et bénéfices attendus lors de l’utilisation de ces variétés ». Et elle précise : « Je souhaite que votre avis apporte des clarifications sur la situation française, européenne et internationale de l’utilisation des VTH non-transgéniques, qu’il fasse part de l’ensemble des points de vue des parties prenantes sur ces enjeux et qu’il fasse apparaître plusieurs scénarios de gestion des VTH non-transgéniques par les pouvoirs publics ». Le tout avant le 31 décembre 2015, soit 10 mois de travail prévus.
Par ailleurs, neuf organisations agricoles et environnementales [4], issues de l’Appel de Poitiers [5], ont déposé, en mars 2015, un recours devant le Conseil d’État contre ces variétés rendues tolérantes aux herbicides (VrTH) [6]. Profitant d’un point presse au Salon de l’agriculture, ce collectif a déploré de n’avoir toujours pas été reçu par l’Anses, malgré les promesses de la ministre de l’environnement, promesses réitérées dans une lettre qu’elle lui a adressée en janvier 2016. Informant que « l’Anses a entamé ses travaux et devrait rendre ses conclusions d’ici le 30 juin 2016 », la lettre ajoute que « l’Agence a prévu d’auditionner les acteurs susceptibles d’éclairer ses travaux, dont le collectif Appel de Poitiers, dans le cadre des démarches d’évaluation scientifique indépendante qu’elle met en œuvre habituellement ».
Une nouvelle co-saisine de deux ministères ?
Tout cela semblait donc bien parti et, un peu impatient, Inf’OGM a cherché à savoir où en était l’Anses. Et là, surprise, treize mois après la réception de la saisine, le service de presse de l’Anses nous informe que l’Agence manque de précisions pour pouvoir y répondre et qu’elle les attend donc de la part du Ministère de l’écologie.
Intriguée, Inf’OGM contacte alors directement Dominique Gombert, à la direction de l’évaluation des risques de l’Anses. Celui-ci confirme et précise : « il nous faut refermer le champ des questions, qui concernent aussi le ministère de l’agriculture (MAAF). Puis il nous faudra obtenir les données, notamment auprès du MAAF, des chambres d’agriculture, des industriels, sur les surfaces de VTH, les tonnages d’herbicides utilisés… Puis il nous faudra lancer des études sur l’évaluation des risques » [7]. A ce stade donc, l’Anses ne peut fournir une nouvelle date de rendu, celle du 30 juin étant impossible à tenir. Elle s’attend par contre à recevoir prochainement une nouvelle saisine plus précise, émanant des deux ministères concernés.
Nous voilà bien avancés. Rendez-vous donc… plus tard. Ni le ministère de l’Écologie, ni celui de l’agriculture, n’ont pu nous en dire davantage.
Fait rare, le Conseil d’État lance une enquête
Alors, aucune information, vraiment ? Allez, un petit mél au Conseil d’État pour au moins informer nos lecteurs sur l’avancée du recours contre les VTH. Las, la réponse tombe : « L’instruction se poursuit. Je me [sic] note de vous prévenir dès lors qu’une date d’audience publique aura été fixée » [8]. Heureusement, l’avocat des organisations qui ont porté le recours au Conseil d’État est plus prolixe. Contacté par Inf’OGM, il nous informe que « le Conseil d’État vient d’ordonner la réalisation d’une enquête afin d’éclairer la décision qu’il rendra sur des questions fondamentales telles les procédures d’évaluation, les dangers des VrTH, les différentes techniques utilisées, les similitudes ou différences avec la transgenèse… « . Il ajoute que cette procédure est très rare et qu’elle « témoigne d’un doute sérieux des magistrats sur le sujet [et qu’elle] fait également suite à la saisine de l’Anses qui était déjà un premier signe sérieux de doute sur l’utilité et l’innocuité de ces variétés« . Cette enquête aura lieu au Conseil d’État le 9 juin 2016, où chaque partie se présentera accompagnée d’un ou deux experts. Parmi les questions qui seront abordées par le Conseil d’État, celle-ci : « quels sont les résultats de l’étude demandée par la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie à l’Anses ?« . C’est pas gagné !
http://www.infogm.org/varietes-rendues-tolerantes-aux-herbicides-nouveau-delai-pour-l-anses