Plafonnement des indemnités de licenciement, le barême "MACRON" validé

PLAFONNEMENT DES INDEMNITES DE LICENCIEMENT – LE BAREME « MACRON » ENTERINÉ PAR LA COUR DE CASSATION

Le 11 mai dernier, la Cour de Cassation a rendu un arrêt, que de nombreux praticiens du droit de travail attendaient mais qui n’a pas eu un écho considérable dans les médias, ce qui est dommageable dans la mesure où cette décision aura un impact pour chaque salarié, privé involontairement de son emploi et qui voudrait contester en justice son licenciement ; le considérant injuste.

D’aucuns diront que cet arrêt de la Cour de Cassation est un uppercut supplémentaire à la casse du droit du travail.

En effet, pas moins de quatre arrêts rendus par la Chambre sociale de la Cour de Cassation ont validé le fameux barème MACRON.

Revenons à l’origine de ce barème.

Lorsque le président Emmanuel MACRON est arrivé au pouvoir en 2017, ce dernier voulant effectuer ses réformes au plus vite, a fait usage de l’article 38 de la constitution de 1958, afin d’être habilité à prendre des mesures par ordonnances dans des domaines qui doivent être normalement régulés par la loi, c’est-à-dire dans le cadre d’un débat au parlement.

Cette utilisation de l’article 38 de la constitution a permis au gouvernement d’accélérer le processus législatif, et prendre plusieurs réformes d’ampleur, dans les mois qui ont suivi l’élection présidentielle de 2017.

C’est ainsi que, parmi ces ordonnances, quatre d’entre elles ont profondément modifié le droit du travail. Une de ces ordonnances a mis en place ce barème d’indemnisation, qui est très controversé.

L’ordonnance n°2017-1387  du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail a modifié l’article L.1235-3 du code du travail, qui dispose que si le juge prud’homal considère que le licenciement d’un salarié est sans cause réelle et sérieuse, il peut proposer la réintégration du salarié à son poste de travail, avec maintien de ses avantages acquis. A défaut, le juge octroie au salarié une indemnisation à la charge de l’employeur, sur la base d’une somme comprise entre des montants minimaux et des montants maximaux fixés dans un tableau reproduit dans l’article précité.

La mise en place de ce barème a profondément bouleversé le droit du travail, dans la mesure où pour la première fois dans notre droit, une exception au principe de réparation intégrale d’un préjudice a été mis en place.

Juste ici, devant le conseil de Prud’hommes, le salarié licencié ne se voyait pas théoriquement opposer de plafond dans le montant de son indemnisation, le juge appréciait son préjudice en fonction de sa situation réelle. Ce que l’on appelle une appréciation in concreto

Comme son nom l’indique, l’ordonnance du 22 septembre 2017 a pour objectif de rendre prévisible pour l’employeur le coût que pourrait engendrer un licenciement, s’il était contesté devant un conseil de prud’hommes par le salarié et au cas où ce dernier obtiendrait gain de cause.

Il suffit ainsi à l’employeur de se référer au barème et de provisionner le montant indiqué par celui-ci, qui est fonction de l’ancienneté du salarié et de l’effectif de l’entreprise. Il n’est pas inutile de préciser que le barème fixe lesdits montants en mois de salaire.

Ainsi, l’employeur est certain que la somme qu’il aura fixée selon le barème sera le montant des condamnations fixé par le conseil de prud’hommes qui se retrouve désormais lié au barème.

Cette ordonnance avait pour objectif initial de faire disparaître les vélléités des entreprises d’embaucher des salariés en CDD. En effet, beaucoup d’employeurs à qui, on reprochait d’user et d’abuser des CDD, considéraient que l’embauche d’un salarié en CDI n’était pas sécurisante pour eux et leur trésorerie, car un licenciement coûterait plus cher et beaucoup d’entre eux craignaient les conséquences d’une condamnation aux prud’hommes sur la pérennité de leur entreprise.

L’objectif ici, n’est pas de débattre sur la légitimité de ces craintes des employeurs.

Le 17 juillet 2019, la cour de Cassation avait déjà donné un avis dans lequel elle validait le barème, sans toutefois que cet avis lie les juges du fond.

Devant cette nouvelle donne, certains conseils de prud’hommes sont entrés en résistance et ont décidé d’écarter ce barème, notamment en arguant du fait qu’il n’est pas conforme à l’article 10 de la convention n° 158 de l’organisation internationale du travail qui exige  « le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée. »

A l’aune de la convention n°158, la réparation d’un préjudice lié à un licenciement injustifié ne peut être limitée.

Devant cette insécurité juridique qui pénalisait tant à l’employeur qu’au salarié, il fallait que la Cour de Cassation tranche définitivement la question.

C’est chose faîte le 11 mai dernier : la Cour de Cassation a donc définitivement validé le barème MACRON.

Dans deux arrêts rendus ce jour, elle a jugé que

  • Les dispositions de la Charte sociale européenne n’étant pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers, elle ne peut pas conduire à écarter l’application du barème Macron ;
  •  Il appartient seulement au juge d’apprécier la situation concrète de la salariée pour déterminer le montant de l’indemnité due entre les montants minimaux et maximaux.

Cour de cassation, chambre sociale, 11 mai 2022, n° 21-15.247

Cour de cassation, chambre sociale, 11 mai 2022, n° 21-14-490

Notice explicative de la Cour de Cassation

Aussi, la Cour de Cassation confirme que le barème MACRON ne peut être écarté par une appréciation au cas par cas par le juge de la situation économique et matérielle du salarié.

Le juge est limité par l’application du barème dans l’appréciation du montant des dommages et intérêts alloués, alors que la règle est la réparation de l’intégralité du préjudice.

Ces décisions sont donc une bonne nouvelle pour les employeurs.

C’est une moins bonne pour les salariés qui seront découragés de saisir le conseil de prud’hommes contre leur patron, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse et surtout s’ils n’ont pas beaucoup d’ancienneté et s’ils n’ont pas d’autres préjudices annexes en dehors de ceux relatifs au licenciement abusif.

En effet, le barème MACRON ne s’applique pour les autres préjudices dont pourrait se prévaloir le salarié.

Sous réserve de sécuriser la relation de travail, le barème de l’ordonnance du 22 septembre 2017 met en difficulté des salariés qui hésiteront à faire valoir leurs droits.

Si effectivement, l’objectif des ordonnances était de faciliter les embauches en CDI, le résultat est un déséquilibre des relations de travail au détriment des salariés, ce qui n’est pas forcément un bon signal, tant les risques psychosociaux au travail sont un enjeu majeur dans notre société.

A ce stade, la saisine de la Cour Européenne des Droits de l’Homme pourrait être la dernière alternative.

Affaire à suivre……

Maître Ludovic DALOZ

Avocat – pôle droit du travail

Cabinet TUMERELLE avocats au barreau de la Drôme et de Draguignan